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Image de Maxim Berg : représentation en 3D d'un champ de données

Valoriser les données de science participative

Mise à jour : mai 2023.

La science participative, ou citoyenne, invite des bénévoles à collecter des données selon un processus ou protocole établi par des scientifiques. Ce don de temps est généralement fait au nom du progrès, chaque contributeur se sentant partie prenante à quelque chose de plus grand qu'elle ou lui. Ce mécanisme de démultiplication de l'effort de recherche par la décentralisation séduit des esprits à la fois curieux et généreux. Or la barrière entre savoir fondamental et application pratique a tendance à s'éroder sur fond d'accélération des processus d'innovation. Les transitions professionnelles de chercheurs tentés par les sirènes du secteur privé sont fréquentes, les départements recherche et développement des entreprises étant de plus en plus avides de docteurs (PHDs en anglais) et non plus seulement de praticiens créatifs. Dans un tel contexte, faut-il regarder de plus près la façon dont les données produites sont valorisées ? Faut-il rémunérer les contributeurs historiquement bénévoles ? Faut-il au contraire développer la logique du don ?

Le développement de la science participative

Le phénomène gagne en ampleur. Un exemple parmi d'autres concerne l'enjeu de biodiversité, dont la courbe de recrutement est éloquente : entre 2011 et 2018, le nombre de participants est passé en France de 20000 à 136000, soit une augmentation proche de 600 % (source ONB , Office National de la Biodiversité). Les autres disciplines à succès sont notamment l'astronomie, la santé, la météorologie, la sociologie et le management. Grâce à cette démarche on découvre concrètement des galaxies ou des bioprocédés (véridique). Plus qu'une façon de réaliser des économies, la science participative est aussi le seul moyen de collecter des masses de données très importantes. En effet les volumes des enquêtes et sondages traditionnels sont limités à la fois par le nombre d'enquêteurs et par la mémoire des sondés. Un des grands apports de cette logique décentralisée est la simultanéité d'un grand nombre d'observations couvrant un territoire potentiellement vaste. Elle offre des avantages décisifs telle que la géolocalisation de la source et la transmission en temps réel de l'information, évitant de lourds post-traitements destinés à fiabiliser les données.

L'enjeu du discernement

Les données produites par la recherche fondamentale sont exploitées en vue d'étayer des raisonnements, lesquels valident ou invalident des hypothèses. Cette interprétation est le plus souvent le fait d'un esprit hybride, constitué à la fois d'humanité et d'algorithmes, l'une concevant plus ou moins directement les autres. Alors que le monde connait une accélération sans précédent de dynamiques d'innovation qui semblent ne pas connaître de limites, le processus scientifique a tendance à s'inverser. Au lieu de tester des hypothèses faisant avancer la connaissance dans l'absolu, les laboratoires ont tendance à privilégier des champs d'investigation faisant recette - et à cette occasion ajoutant une pierre à l'édifice du savoir, presque de façon secondaire ou annexe. "Faire recette" ne procède pas forcément d'un biais vénal. Il peut s'agir, et il s'agit souvent, de mieux comprendre un phénomène de groupe (d'espèces, de société, de virus, de leviers climatiques, de professionnels en entreprise) pour préserver l'humanité de catastrophes probables. L'intérêt général est donc très  présent dans ces initiatives, ce qui explique leur popularité grandissante, stimulée par un sentiment d'urgence vis-à-vis des grandes menaces globales de plus en plus universellement partagé.

Les enjeux économiques sont tout aussi prégnants. Pour une entreprise industrielle, mieux comprendre que la concurrence où implanter des éoliennes ou comment les dimensionner peut constituer un avantage clé.​ Pour un laboratoire, découvrir un bioprocédé naturel inspirant peut devenir la source de revenus importants. Pour une banque, connaître avec précision les réflexes comportementaux de ses clients confrontés à telle ou telle situation est de l'or en barres. Et si ces informations sont détenues par des organismes de recherche (qu'ils soient publics ou privés), ces derniers vont les vendre et non les donner. À  ce sujet lire notre article sur le thème science et innovation.

L'avenir

Même s'il est galvaudé et perd en crédibilité, l'outil SWOT (acronyme de "Forces, Faiblesses, Opportunités et Menaces" en anglais) continue à véhiculer les craintes et les espoirs de nombre de dirigeants. Lorsque l'on analyse les tendances observables au niveau de leur contenu, force est de constater des points communs durables. Le poids des menaces ne cesse de croitre, lié à une augmentation de l'incertitude perçue donc à une réduction de l'horizon de projection, justifié par la fréquence accrue de catastrophes majeures (ou de la circulation ultra-rapide de l'information s'y rapportant, donc de la réaction non moins rapide des acteurs économiques concernés pouvant entraîner la divergence de phénomènes historiquement plus contrôlés). Les opportunités sont avant tout affaire d'innovation, c'est à dire de valorisation d'une connaissance grâce à la réalisation de son potentiel : à notre époque il y a tellement d'idées disponibles que les ressources manquent pour les transformer en valeur, aussi la clé est le discernement, la gestion de portefeuille d'innovation ou GPI (IPM en anglais). Les forces et faiblesses traduisent quant à elles une avance ou un retard par rapport au mouvement innovant d'un secteur, d'un marché ou d'un écosystème. On peut rajouter dans chacune des quatre cases du modèle des considérations relatives à l'environnement légal, plus dépendantes de la géographie concernée, donc plus variables même si la dynamique RSE, par exemple, a un caractère global.

Dans un tel contexte la science participative joue le rôle d'écosystème fournisseur de données pour mieux anticiper et gérer les menaces, pour innover à bon escient et pour éviter de se retrouver à la traîne. La courroie de transmission entre recherche et développement étant de plus en plus courte et efficace, la frontière entre science participative et innovation ouverte a tendance à s'estomper. La première s'inspire des pratiques de la deuxième pour s'étendre, en convoquant des techniques de pur marketing, tandis que la deuxième se professionnalise, empruntant à la deuxième sa rigueur et sa précision.

 

Gageons que l'avenir confondra les contributeurs à l'une et à l'autre, les rémunérant à hauteur de leur juste valeur probablement calculée par une IA. Les critères pourront être alors, associés au potentiel de l'initiative elle-même, l'impartialité, l'observance des consignes, la créativité individuelle et de groupe, la représentativité, la connaissance distinctive et la motivation du sujet. Les panelistes vedettes (cf notre article sur le thème du panéliste inspirant) seront particulièrement courtisés, à condition d'apporter régulièrement une valeur dûment mesurée, donc de s'adapter constamment aux enjeux. Ce métier sera pratiqué par beaucoup à temps partiel, devenant une composante de l'activité de slashers toujours plus nombreux.

Pour qu'une telle tendance se retourne, il faudrait que l'intensité et la fréquence des catastrophes diminue durablement. Alors la pression mise sur l'innovation préservatrice serait moindre et le sentiment d'urgence disparaitrait. On recommencerait peut-être à chercher pour chercher, en tentant de dépasser une nouvelle limite, celle des IAs. Quoiqu'il en soit il parait inéluctable de rémunérer les citoyens contribuant aux avancées scientifiques, comme en témoignent déjà les politiques de cadeaux et récompenses pratiquées sans complexe par certaines universités.

Contact

17 rue du Transvaal, 92 250 La Garenne Colombes, France

01 82 83 18 01 (boîte vocale - laisser un message)

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