Référence innovation
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Innovation et recherche
Mise à jour : février 2023.
Referenceinnovation.com et son partenaire Halieuticom ont accompagné Patrice Pruvost, Jules Selles et Bill François, trois chercheurs en biologie marine, dans les sous-sols du Museum d'Histoire Naturelle où reposent des trésors enfermés dans des bocaux ou entreposés sur de vénérables étagères. Merci à ces professionnels passionnés de nous avoir permis de découvrir cet endroit fascinant. Près d'un million de specimens, dont plus de 10 000 types primaires (c'est à dire des références mondiales d'espèces) sont abrités ici et servent aux chercheurs du monde entier, en particulier ceux qui sont chargés d'établir et de mettre à jour ce que l'on appelle la taxonomie des espèces marines, autrement dit la nomenclature des êtres vivant dans le milieu marin. Les questions abordées ont tourné autour du thème innovation et recherche, plus précisément sur la façon dont l'innovation peut aider la recherche et vice-versa. Recherche fondamentale et activité de dépôt de brevet peuvent-ils cohabiter sereinenement ? La recherche peut-elle, doit-elle se nourrir de trouvailles de non-chercheurs ? Dans le champ de la recherche en biologie marine, à vocation écologique ou autre, quelles innovations peuvent changer la donne ?
Quelle est votre actualité côté innovation ?
Des innovations nous permettent soit de réaliser des analyses moins destructives qu'auparavant, soit de tracer la présence d'espèces spécifiques dans le milieu marin sans capturer de spécimens, soit d'accélérer, de simplifier et de fiabiliser la consultation de caractéristiques détaillées de spécimens dans nos collections. La première dynamique évoquée est liée à la miniaturisation et à la démocratisation des moyens de radiographie et d'IRM applicables à notre contexte, alors qu'historiquement nous avons beaucoup disséqué pour bien cartographier la structure des espèces répertoriées. La deuxième est liée aux progrès de la biologie moléculaire, en particulier le séquençage de l'ADN et surtout de ses applications telles que l'ADN environnemental. En bref, il s'agit de trouver les traces du passage d'espèces répertoriées dans des volumes d'eau dûment géolocalisés afin d'estimer leurs effectifs (dans notre jargon on parle de stock), l'évolution de ce stock, et in fine les menaces potentielles qui pèsent sur leur développement. Enfin des bases de données de plus en plus modernes et de plus en plus riches, fédérant un nombre croissant de contributeurs, permettent d'améliorer l'accès à l'information pour les chercheurs du monde entier.
Les rapports entre recherche et entreprise
Nous entretenons de très bonnes relations avec des acteurs du traitement de l'information notamment, et avons souvent été des pionniers dans l'utilisation de techniques avancées alors que le secteur privé hésitait encore à se lancer. En témoigne par exemple la mise en ligne sur le web de notre catalogue dès le début des années 1990, période où internet était encore balbutiant. Nous disposons d'un service dit de valorisation de nos actifs, notre collection pouvant en effet être considérée avant tout comme un actif qui peut faire l'objet d'exploitations variées, depuis la consultation par des chercheurs jusqu'à l'établissement de statistiques en passant par des usages artistiques, éducatifs ou informatifs. Des ponts sont jetés vers d'autres disciplines telles que la géographie, l'écologie ou l'économie. Nous collaborons avec les fournisseurs d'équipements et développons nous-mêmes de nouveaux dispositifs comme des caméras équipées de LED perçant l'obscurité des abysses, munies de batteries résistant au froid, dont la carapace est capable de supporter des pressions extrêmes exercées par des colonnes d'eau de plusieurs milliers de mètres, ou des caissons protégeant les espèces pêchées à ces profondeurs pour leur éviter d'exploser en remontant. Nous pouvons encore nous améliorer au niveau de la collaboration avec des startups et devons bien choisir nos projets dans ce domaine, car les tâches récurrentes de gestion de nos actifs nous laissent peu de temps à consacrer à ces activités par définition chronophages. Si nous voulons en retirer le meilleur, il nous faut nous focaliser sur une poignée de projets résolument prometteurs.
Les accords de Nagoya : les conséquences au quotidien
L'esprit des accords de Nagoya, signés en 2010, consiste à introduire une plus grande équité dans l'exploitation de l'information biologique pour éviter que quelques acteurs plus puissants ou plus chanceux que les autres s'approprient des actifs clés, notamment des médicaments issus de tissus naturels ou inspirés par l'étude du vivant. Ainsi il devient plus difficile de faire sortir certains specimens des pays où ils ont été prélevés, obligeant les parties concernées à mieux collaborer plutôt que d'entrer dans une logique de revendication de leur propriété. La philosophie de détention d'une collection d'actifs pourrait ainsi évoluer vers un processus de partage d'un patrimoine distribué dans un nombre croissant d'organismes conservateurs de référence.
Évolution et innovation
En passant devant un coelacanthe mythique pêché dans les années 1930 et trônant en bonne place dans les collections du Museum, nous remarquons des sortes de pattes arrière qui ont complètement disparu des anatomies des poissons d'aujourd'hui. L'évolution des espèces est elle-même une forme d'innovation (note des auteurs : cf aussi l'article Philosophie de l'innovation, qui aborde ce même sujet sous un autre angle), mais une innovation aléatoire. En physique nous rapprocherions ce constat de la notion d'univers non déterministe. En management nous parlerions d'innovation émergente par opposition à une innovation planifiée. L'évolution est lente et continue la plupart du temps, sauf quand un virus se met à muter rapidement par exemple, suggérant un parallèle avec ce que les managers de l'innovation appellent des ruptures. Il n'est pas évident d'innover en s'inspirant de la nature. Un bateau ne ressemble pas à un poisson, de même qu'un avion ne ressemble pas à un oiseau. En revanche, on peut collaborer avec elle, comprendre ses mécanismes et s'y adapter. C'est ainsi que l'on se rend capable d'innover vraiment, voire de réaliser des exploits comme celui consistant à trouver rapidement un vaccin capable de lutter contre un virus.
Perspectives
Commentaire par referenceinnovation.com
L'avis de ChatGPT
Un brin joueurs, sur le chat ChatGPT d'OpenAI, nous avons posé la question suivante : Quel type d'innovation en rupture pourrait aider les chercheurs en biologie marine à réduire leurs délais d'étude et à augmenter leur impact positif sur les dimensions écologique et taxonomique ? La réponse est arrivée en moins de 5 secondes : L'utilisation de l'intelligence artificielle (IA) est un type d'innovation en rupture qui pourrait aider les chercheurs en biologie marine à réduire les délais et à augmenter leur impact positif dans les dimensions écologique et taxonomique. Les technologies d'IA telles que l'apprentissage automatique et l'apprentissage en profondeur pourraient être utilisées pour automatiser l'identification et la classification des spécimens marins, ainsi que pour surveiller et analyser les données relatives aux écosystèmes marins. L'IA pourrait également être utilisée pour développer des modèles permettant de prédire les impacts du changement climatique sur la vie marine et d'identifier de nouvelles espèces et de nouveaux habitats. Cela pourrait aider les chercheurs à évaluer rapidement et avec précision les effets des activités humaines sur les écosystèmes marins et à identifier les zones nécessitant une protection accrue.
IA et gestion des stocks : un enjeu majeur
Au delà du côté spectaculaire de la pertinence apparente de cette réponse apportée par un robot, il y a là matière à réflexion. Avant même d'interroger le chatbot le plus puissant du moment, il est clair que la gestion des stocks d'espèces menacées est un champ d'application de l'IA à privilégier. En utilisant un mécanisme de transposition bien connu des managers de l'innovation, considérons les IAs capables d'aspirer des données publiques du web pour évaluer une opportunité d'acquisition d'entreprise, et imaginons un équivalent aspirant des données décrivant l'état des stocks de poissons, directement ou indirectement, et évaluant son évolution et ses facteurs de préservation ou de mise en danger. Pourquoi serait-il moins performant ?
Collaborer
Les unités de recherche sont confrontées à des défis analogues à ceux que doivent relever les entreprises : collaborer équitablement avec des startups focalisées et agiles. Il existe quantités de savoirs non encore validés, peut-être pas tous validables, par la communauté scientifique. S'il est désormais courant de constater le développement de scaleups voire de licornes dans l'orbite d'universités et de laboratoires, les processus de collaboration entre les deux univers restent artisanaux. Des idées et des pratiques inspirantes existent au niveau des initiatives de science citoyenne, où les contributeurs ne sont pas des startups mais des individus, des particuliers souhaitant apporter leur pierre à l'édifice scientifique. Gageons qu'il y a là une dynamique d'avenir. Prenons un exemple dans le registre de la préservation des stocks de poissons. Imaginons que tous les pécheurs sous-marins (mais aussi les plongeurs loisirs et professionnels) du monde puissent poser une go-pro étanche un peu particulière sur leur front pendant leurs plongées. La caméra serait géolocalisée et située dans un des rectangles dûment cartographiés et répertoriés par les scientifiques. Le parcours réalisé dans le rectangle serait associé aux poissons croisant le champ de la caméra pendant la sortie, les espèces seraient automatiquement reconnues, la densité par espèce serait extrapolée au rectangle en question (après corrélation avec d’autres enregistrements d’autres plongeurs). Raffinement ultérieur : au delà de la présence des poissons, analyser leur comportement ? Tout ce traitement serait assuré en temps réel par le dispositif intégré à la caméra, automatiquement téléchargé (avec une certification garantie par la non-ouverture du dispositif) par les scientifiques. Le partenariat devrait associer les efforts d'un spécialiste du management de l'innovation (génération d’idées, planification de projet, méthode, stratégie, processus), d'un acteur de l’électronique sous-marine (par exemple une grande entreprise dans le cadre de son programme RSE), d'une startup spécialisée dans les logiciels appliqués à l'univers halieutique pour l'analyse à terre, et des influenceurs pour donner de la crédibilité au sujet. Si ce scénario ressemble plus au produit d'une douce rêverie qu'à un projet ficelé, c'est parce qu'il en est encore à la toute première phase de son cycle de conception (cf aussi notre article sur la méthode Disney, commençant par le rêve).
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