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Innover comme Walt Disney
Mise à jour : mars 2023.
Philippe Sisbane nous révèle les facteurs de succès des innovations de Walt Disney, très actuels. Son expérience d'enseignement du management de la créativité à CentraleSupélec, école d'ingénieurs de premier plan, combinée à son approche créative personnelle lui permettent de dégager des schémas reproductibles.
En quoi l'étude des réalisations de Walt Disney peut-elle nous éclairer aujourd'hui ?
Le principal enseignement de l'étude des succès - et des échecs - d'un innovateur aussi fertile est sa façon de régler son avance concurrentielle. Avoir 20 ans d'avance, ce qui était son cas en permanence, n'est utile que si l'on sait discerner le bon moment pour mettre en avant une innovation. Proposer au public un dessin animé sonore était une folie en 1928, de même que faire partie des premiers à produire des films en technicolor (dont il a détenu l'exclusivité entre 1932 et 1934). Certes, les procédés de tournage en couleurs de l'époque nécessitaient beaucoup de lumière, ce qui était plus facile à obtenir dans le contexte d'un dessin animé que pour un film dit classique. Mais il a mis beaucoup de temps avant de gagner de l'argent à un niveau qui nous semble cohérent avec sa notoriété. Entretemps il a trouvé comment donner le sentiment du relief grâce à une caméra multiplan, concevant des plans complexes pour Pinocchio ou Bambi : il a animé un village en Italie ou une forêt avec un réalisme jamais atteint avant lui, expérimenté et déployé quantité d'innovations en rupture. Et il y a eu Blanche-Neige, considéré comme "une folie" par Hollywood lors de sa fabrication, mais un véritable triomphe à sa sortie, en 1938, qui a enfin apporté quelques années de prospérité à son créateur.
Ses innovations étaient-elles systématiquement de nature technologique ?
Il a aussi oeuvré dans le domaine du concept, ne se cantonnant pas aux percées technologiques. En témoigne l'ouverture de Disneyland dès 1955. Il a appliqué des méthodes de management révolutionnaires au contact de ses nombreux collaborateurs (déjà un millier dès le milieu des années 30), lesquelles sont toujours étudiées aujourd'hui, post-théorisées par plusieurs chercheurs. Il a eu à gérer beaucoup d'artistes avec des égos gigantesques. De cafouillages en grèves, de conflits en réconciliations, il a su mettre au point sa méthode.
En quoi consiste sa méthode ?
En bref, il considère qu'il faut au moins trois profils différent pour accoucher d'une innovation pertinente : un rêveur, un réaliste et un rabat-joie. Dans un premier temps, il faut laisser parler les créatifs, sans fixer aucune limite dans l'évocation des projets. La question clé est "pourquoi ne pas ...?". Pas de limite de temps, pas de censure, pas de limite pécuniaire. Ensuite se poser la question du comment. Comment réaliser ces projets, sans introduire de censure excessive. On peut aller jusqu'à vouloir conquérir la Lune avec une fusée, avec une grande quantité de carburant, en brûlant des milliards de dollars. À ce stade les limites restent lâches, mais elles ne sont pas infinies. Elles sont chiffrées, ou tout au moins leur ordre de grandeur est connu. On se la joue "Jules Verne". Ainsi le défi suivant devient naturellement la détermination des moyens d'abaisser ces limites tout en conservant le bénéfice tangible d'une innovation. Enfin choisir de le faire ou pas. Un quatrième intervenant peut être mobilisé pour réaliser la synthèse des résultats obtenus par ses trois prédécesseurs, en arguant de sa neutralité pour jouer l'arbitre.
Qui jouait quel rôle dans la firme ?
Roy Disney, son frère, était aussi terre à terre que Walt était visionnaire. Avec le recul, il est évident que leur attelage était bien plus efficace que leurs individualités prises isolément. Il y avait aussi d'autres réalistes, des tiers dont les rôles furent déterminants, tels que Ub Iwerks, ami proche et associé, qui est parti à l'occasion d'une des innombrables disputes homériques qui ont retenti entre les murs des studios, puis est revenu dix ans plus tard. Il a créé des effets spéciaux et des machines diverses, dont l'écran à vapeur de sodium permettant de réaliser des insertions d'animation dans un film et vice-versa - Alfred Hitchcock a utilisé ce procédé pour son film Les oiseaux par exemple.
Quel est le volet le plus actuel de sa démarche ?
Le sneak preview. Il visionnait ses productions le plus en amont possible avec des amis et des amis d'amis, mais aussi avec ses banquiers. Il s'agit de l'ancêtre des voix du client d'aujourd'hui. Le problème, c'est que le public est versatile. Il change entre la date de première exposition au concept et la sortie du produit.
Conclusion ?
Le nom Disney, qui vient du village normand d'Isigny, a un rapport avec Dupont d'Isigny, célèbre marque de bonbons et vecteur d'une culture d'entrepreneuriat très française. Impossible n'est pas français était une devise profondément intériorisée par Walt Disney. Prenons-en de la graine.
Prise de recul
Commentaire par referenceinnovation.com
Le fameux syndrome Bubka
Sergueï Bubka était un athlète spécialiste du saut à la perche qui "en avait sous le pied". Quel rapport avec Walt Disney ? Eh bien, il était capable de sauter bien plus haut qu'il ne le faisait, mais gérait son avance en optimisant ses gains et la longévité de sa carrière. Il progressait pas à pas dans les meetings auxquels il participait, battant ses propres records à un rythme volontairement raisonnable. Aussi, s'il partageait avec le célèbre entrepreneur une avance confortable sur la concurrence, il s'en distinguait en réglant la vitesse de dévoilement et d'exploitation de cet avantage avec une précision quasi-scientifique. Réunir des émules de Walt Disney et de Sergueï Bubka dans un même bureau ou un même atelier peut produire des résultats stupéfiants.
La temporalité de l'innovation
La bonne méthode pour parvenir à sortir une offre au bon moment consiste aujourd'hui à sonder son public cible à intervalles réguliers et de plus en plus proches, afin de contrer l'effet de sa versatilité mentionnée plus haut. Il faut aussi être prêt à dégainer lorsque le marché s'y prête, donc disposer d'actifs mobilisables en réserve, pas trop longtemps pour ne pas brûler inutilement du gaz, mais suffisamment pour assurer leur maturation. Le mot "actif" est ici la clé. Une innovation est un actif. Une innovation en puissance est un actif. La conduite du cycle de vie d'une innovation est affaire de gestion d'actifs et de l'évolution de leurs potentiels.
L'exemple de la gestion de version ("release management")
Quand intégrer une fonction dans une version logicielle ?
Les éditeurs de progiciels le savent bien, quantité de nouvelles fonctions sont en permanence attendues par leurs utilisateurs et leur job consiste avant tout à les faire patienter. Pourtant à chaque sortie de version ils sont confrontés à des choix cornéliens pour intégrer - ou pas - des fonctions jugées plus ou moins mûres, plus ou moins attendues, ou plus ou moins créatrices de valeur. Pour trancher ils ont besoin d'adopter des points de vue variés, celui de plusieurs types d'utilisateurs, celui des investisseurs dans la solution, celui des technologues et celui d'experts en tout genre. Mais in fine, les release managers sont les seuls à décider. Leur décision est lourde de conséquences. Chaque évolution ou fonction introduite est un actif dont la valeur va s'apprécier ou se déprécier en fonction de critères précis.
Les critères de valorisation d'une nouvelle fonction
Le premier indicateur permettant d'apprécier le potentiel d'une fonction est notamment le taux d'usage de cette fonction une fois déployée. Son profil de croissance ou de décroissance, prévisionnel et réel, conditionne l'efficacité des autres facteurs de création de valeur, tels que le gain de temps induit, la disparition de limites d'utilisation (ou, plus positivement, l'extension du périmètre d'utilisation), ou l'économie de moyens induite. Des modèles de pilotage de l'innovation peuvent s'en déduire, permettant au release manager de prévoir et de corriger sa trajectoire en justifiant son action.
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