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Etoile filante dans un ciel étoilé. Image de Vincentiu Solomon

Innovation spatiale

Publication : juin 2023.

À l'occasion d'une journée passée au contact d'entreprises du secteur spatial sur le salon du Bourget, un bilan est dressé des tendances du moment. Offres de lancement, de satellites, de sondes, de charges utiles, d'applications, toutes s'adaptent à des conditions de marché inédites. Pourtant, les attentes des clients n'ont guère changé depuis les premiers succès commerciaux des grands acteurs historiques, notamment le besoin d'optimiser conjointement la fiabilité et les délais de lancement, objectifs réputés à tort incompatibles et voués à d'incessants compromis. Les stratégies des industriels ont récemment pivoté pour y répondre. La grande nouveauté est le rythme de lancement, de l'ordre de 100 par an pour les plus performants (SpaceX et la Chine). Histoire d'une mutation en germe depuis longtemps, catalysée par l'adoption rapide et contagieuse d'une démarche produit et d'une logique de longue série.

Inversion

Historiquement, les composants envoyés dans l'espace étaient en retard sur l'état de l'art, car ils devaient être largement et longuement éprouvés avant de subir les épreuves du lancement et des conditions extrèmes du vide intersidéral. C'est ainsi que des microprocesseurs rustiques prenaient l'air en lieu et place des derniers modèles plus puissants, afin de respecter le principe de précaution.

 

Au Bourget cette année il est clair que les industriels du secteur spatial ont inversé le paradigme. Il suffit de détailler la vitrine des innovations de Thalés par exemple pour constater que non seulement l'IA n'est pas un sujet nouveau, mais qu'elle est déjà intégrée dans des modules embarqués. Il s'agit donc d'IAs ayant une forte autonomie de fonctionnement et de décision, capables de s'adapter à des conditions opérationnelles extrêmes. Elles peuvent par exemple assister un radar pour optimiser son utilisation.

 

De même l'effet quantique est apprivoisé dans des centrales inertielles de dernière génération, qui résolvent le problème de la géolocalisation autonome. En effet, des véhicules ne souhaitant ou ne pouvant pas se connecter au réseau GPS ou à son équivalent n'ont pas d'autre solution que de se tourner vers les techniques d'estime : leur point de départ étant connu, ils mesurent continûment les rotations et accélérations subies pour en déduire leur progression, donc leur position. Historiquement, cette mesure se faisait à l'aide de gyroscopes et d'accéléromètres. Les premiers sont des espèces de toupies tournant très vite ; leur inertie leur permet de toujours pointer dans la même direction, donc de constituer une référence par rapport à laquelle l'axe de progression du véhicule fait un angle mesurable. Les deuxièmes captent une information d'accélération sur 3 axes, qui une fois intégrée en vitesse et en distance, complètent l'information de direction pour générer une position. Ces dispositifs ont un défaut : ils dérivent. Certes, de moins en moins grâce aux progrès réalisés au fil du temps, par l'adoption de technologies laser ou MEMS (gravure sur silicium). Mais ils sont ringardisés par des centrales à effet quantique dont la dérive est beaucoup plus faible, résolvant le problème du recalage.

Pourquoi une telle inversion ? Et pourquoi maintenant ? Probablement pour la même raison qui a poussé la plupart des secteurs à se réinventer à marche forcée depuis un quart de siècle : l'accès simplifié et abordable à une manne d'informations via le web, créant une quantité toujours croissante d'opportunités de rupture. Mais comme le nucléaire, l'espace a pendant un temps continué à privilégier une approche artisanale au cas par cas, encadrée par des normes et des usages peu propices à la libération de la créativité managériale (et même technologique, comme nous venons de le voir plus haut). Sous l'impulsion de quelques uns, la donne a changé. En faisant affaire avec la Nasa, Elon Musk non seulement contribue à sauver la vieille dame, mais se donne un accès privilégié à la mémoire de l'espace américain. Les armoires et bases de données de l'institution regorgent de projets, d'idées, de compte-rendus d'échecs et de succès. L'examen attentif de cette manne d'information à la lumière de notre savoir actuel est une opportunité sans précédent de réactiver des initiatives audacieuses avec succès, en gagnant un temps fou. Si de plus, et c'est le cas, une approche managériale résolument industrielle se greffe sur cette dynamique, cela donne SpaceX et, par mimétisme, l'industrie spatiale chinoise.

La lutte des stratèges

L'accélération de l'innovation dans le secteur spatial creuse les écarts entre des acteurs jouant des partitions très différentes les unes des autres. La principale ligne de clivage se situe au niveau du choix de la stratégie industrielle. Les uns, encore peu nombreux, croient à une logique de série, donc à une approche produit doublée d'un service client empruntant ses codes à des secteurs dits (à tort) plus "classiques", l'automobile par exemple. Les autres considèrent que l'espace est et doit rester le domaine de l'exception, l'apanage de quelques-uns, triés sur le volet, dans une logique de personnalisation et de faibles volumes.

 

Dans le même temps, le spectre de l'offre s'étend. OHB par exemple, une entreprise allemande ayant conservé l'esprit startup de ses débuts malgré son hypercroissance, est passée du statut de spécialiste des satellites d'observation à celui d'acteur polyvalent présent dans les lanceurs lourds et légers, dans tout type de satellite y compris les micro-satellites, à la fois en tant qu'industriel, qu'opérateur et que prestataire de service (notamment avec des offres logicielles dans le domaine des applications spatiales à destination des entreprises voire du grand public). Elle a résolument adopté le principe de la série pour optimiser le coût de ses lanceurs, tout en pratiquant l'innovation ouverte et frugale : des réservoirs à bière modifiés coûtent 10 fois moins cher que leurs prédécesseurs dédiés au spatial et des connecteurs d'AirBag de BMW adaptés remplacent avantageusement des connecteurs de micropompes (là le coût est divisé par 1000).

Cette dynamique et les clivages stratégiques entre anciens et modernes sont stimulés par d'énormes perspectives de croissance. Les budgets des grands donneurs d'ordre institutionnels comme des acheteurs privés sont littéralement explosifs. Aussi, afin que l'espace ne devienne pas une poubelle, son industrialisation doit respecter des principes d'ecodesign, dont la capacité de désorbitation est le plus connu : un véhicule spatial doit emporter suffisamment de carburant pour se pousser vers l'atmosphère et y brûler lorsqu'il atteint sa fin de vie. Des robots spatiaux s'occuperont un jour de désorbiter les objets spatiaux dépourvus d'une telle capacité, en les agrippant avec un bras télémanipulateur par exemple. La charte 0 débris est un des grands sujets abordés au salon, dans les conférences et les tables rondes comme en plus petit comité autour d'un verre. Elle devient mêmêe un argument contre le développement de constellation de micro-satellites, dont le potentiel polluant est proportionnel aux ambitions de leurs promoteurs.

Espace et développement durable

L'espace joue un rôle clé dans l'observation de la terre et de ses phénomènes, au premier rang desquels le réchauffement climatique. Un projet très innovant, le DTE (pour Digital Twin Earth) de l'agence spatiale européenne, a pour objectif de compléter son dispositif d'observation spatiale Copernicus en le connectant à une réplique numérique de notre planète exploitant des technologies d'intelligence artificielle, capable de simuler son évolution dans le passé et dans l'avenir et de prévoir le plus tôt possible l'impact de nos décisions et l'occurence de catastrophes naturelles. Le CERN s'associe à l'ESA pour démultiplier les capacités du DTE grâce à l'utilisation de l'informatique quantique. 

Contact

17 rue du Transvaal, 92 250 La Garenne Colombes, France

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